mercredi 27 janvier 2010

HUANUNI ET ORURO

L’Altiplano, comme une courte pointe



Au Québec, cette tradition artisanale du grand drap qui recouvre les lits vient en partie de nos relations avec les Amérindiens tout comme la ceinture fléchée et la tuque; évidemment, le tout assaisonné des traditions écossaises et irlandaises en matière de tissus. Le tissus fléché était pour les Amérindiens la manière de signer conventions et traités entre peuples, entre nations. Les premières ceintures fléchées de nos ancêtres eurent donc valeur d’ententes signées. L’Altiplano, aussi loin que l’on puisse remonter fut ainsi socialement organisé. Le grand symbole en est le Wiphala,   grande banière carrée divisée comme un damier. Sans nous étendre ici disons qu’on y retrouve les couleurs de l’arc-en-ciel disposées de façon équilibrée et harmonieuse. La structure carrée en damier symbolise l’organisation non hiérarchique des peuples andins alors qu’en général les drapeaux du monde sont rectangulaires et les bandes qui les composent réfèrent à une conception hiérarchique et plus ou moins inégalitaire du monde.



La ville de Oruro est le centre nerveux de cette culture qui atteint son apogée lors du grand Carnaval où pendant des jours des troupes folkloriques de toute la Bolivie viendront présenter la chorégraphie qu’ils auront préparée au cours des mois précédents. Ici le Carnaval a une dimension spirituelle et religieuse. Les traditions millénaires se marient avec la dévotion à la Virgen de Socavon, patronne des mineurs. À notre arrivée, le samedi soir, la place publique devant le sanctuaire est bondée. Il s’agit d’une foire familiale hebdomadaire qui a lieu de la Toussaint jusqu’au début du Carême. De plus, c’est les vacances d’été ici en janvier! Nous sommes hébergés dans les dortoirs attenants au sanctuaire géré par la communauté des Servites de Marie. Maria Louisa et son garçon Arturo âgé de 8 ans s’occuperont de nous et de tout.



Contexte du travail de notre partenaire, le CAEP




Le Centro de Apoyo a la Educacion Popular est situé à Huanuni, ville minière de 40,000 habitants à une heure de route de Oruro. Nous avons pu pénétrer pour quelques heures au coeur de cette culture aujourd’hui plus que jamais confrontée au grand défi de la mondialisation, du développement humain intégral et respectueux de l’environnement dans un milieu où l’extrême pauvreté est très répandue. À cause de l’exploitation minière, la grande région de Oruro a été déclarée zone environnementale sinistrée en novembre 2009. La rivière qui traverse Huanuni est un dépotoir et un égoût à ciel ouvert....



Ici, les gens semblent heureux d’avoir survécu encore un jour, d’avoir pu manger ou travailler. Le travail est dur, même avec des techniques modernes de travail dans la mine que nous avons eu le privilège de visiter. Cette visite nous a menés à 3 kilomètres au coeur de la montagne. L’espérance de vie des mineurs ne dépasse guère les 50 ans, mais les mineurs Boliviens sont extrêmement fiers de leur métier surtout qu’aujourd’hui la richesse générée par la production est redistribuée en grande partie dans les programmes nationaux d’éducation et de santé. Sur un grand crucifix, je vois le Christ crucifié portant le casque des mineurs....

Nous sommes aussi allés dans la campagne. À 5 kilomètres, un petit hameau avec une école d’agriculture. On peut y apprendre une technique simple de culture en serre et d’autres techniques biologiques pour améliorer l’alimentation et la production locale qui se fait jusqu’à plus de 4,500mètres d’altitude Les travaux réalisés ici par les étudiants des dernières années nous impressionnent. Quelques-uns ont pu poursuivre leurs études jusqu’à devenir agronomes ou techniciens.

Ce qui désolent au premier regard, c’est la grande quantité de sacs de plastique et de bouteilles qui jonchent les champs et le rebord de la route et la rivière. Le ramassage des ordures à Huanuni et les alentours est aléatoire, la collecte sélective est encore une lubie pour les riches et les politiciens municipaux ne parviennent pas à s’entendre sur la création d’un site d’enfouissement régional.



Le rôle clé du CAEP

Traditionnellement, campesinos et mineurs syndiqués ont été en conflit. Le CAEP a été un médiateur de premier plan qui a su tirer les marrons du feu. Il a acquis le respect de tous ici. C’est ainsi que nous comprenons le grand privilège que nous a accordé l’ingénieur en chef de la mine de Huanuni en nous faisant visiter la mine. J’ai senti que que lui aussi rêve d’une vie meilleure pour les ouvriers, la ville et toute la Bolivie et qu’il compte localement sur le CAEP pour permettre aux nouvelles générations de relever eux-mêmes les défis communautaires et environnementaux auxquels la population est confrontée.

La paix et l’harmonie sociale ont beaucoup progressé ces dernières années et quelques chantiers de développement durable sont commencés. Les enfants ont accès à des ateliers de rattrapage scolaire, l’édifice abrite la seule bibliothèque de la ville. Il y a aussi une salle d’informatique. Beaucoup de femmes vivent des situations difficiles et elles trouvent de l’aide et de l’amitié au centre. Le CAEP, c’est aussi une radio communautaire. L’animateur des nouvelles du midi a profité de notre passage à Huanuni pour interviewer quelques membres du groupe. La journée s’est terminée par une séance avec toute l’équipe du centre. Un immense merci à Sr Maria Theresa Peral, directrice, pour tout le soin apporté à la planification de tous les détails de notre visite..


C’est à José que revient la dernière phrase. Voici ce qu’il a spontanément dit sur les ondes de Radio Horizontes (traduction libre):« Face à un avenir sombre et apparemment sans issue, le CAEP est comme cette équipe de perforateurs qui creuse de nouvelles galeries d’espérance et de joie de vivre au coeur d’une réalité humaine et environnementale très dure».



Fernand






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire