dimanche 31 janvier 2010

FENATRAHOB : LE TRAVAIL DOMESTIQUE N'EST PAS DE L'ESCLAVAGE.

La lecture du texte de Lise me rappelle cette rencontre très instructive, mais surtout très émouvante avec ces femmes qui reviennent de loin.. Pascal-André nous a rappelé qu'à une époque pas si lointaine, certaines de nos mères, grands-mères ou tantes ont été elles aussi travailleuses domestiques dans de riches familles bourgeoises de Montréal et Québec, mais aussi ailleurs au Québec. Parfois, leur sort n'avait pas grand chose à envier à certaines de leurs soeurs boliviennes d'aujourd'hui.

Le Moyen-Âge au secours des esclavagistes modernes

Cependant, ce qui m'a frappé, au propre comme au figuré, c'est que certains grands bourgeois blancs de Bolivie justifient leurs comportements esclavagistes en interprétant faussement une bulle papale qui, selon eux, décrétait que les indigènes des « nouveaux mondes » n'avaient pas d'âme.

Quand Heberth a soulevé cet exemple, j'ai failli m'étouffer avec mon thé de coca (par ailleurs excellent). Héberlué, je lui ai demandé : « ¿Ahora? » (Au moment ou on se parle?) Et il m'a répondu par un oui triste.

C'est vraiment n'importe quoi et on voit clairement que les pires comportements peuvent être justifiés par des raisonnements parfaitement tordus et d'un autre âge.

Racisme, quand tu nous tiens...

La situation des membres du FENATRAHOB s'explique en partie par le fait qu'elles sont indigènes, soit Aymara, Guarani, Quechua ou autre. La plupart son analphabètes, viennent de petits villages souvent très éloignés de leur lieu de travail et, par définition, travaillent de façon isolée. Certaines demeurent chez leur patron (plus courant dans l'Est du pays – le département de Santa Cruz pas exemple) ou ont leur propre logement qu'elles rejoignent après des journées d'une quinzaine d'heures.

L'avenir

Actuellement, les membres du FENATRAHOB n'ont pas le droit de grève puisque la loi juge leurs services comme étant « essentiels ». Non mais, vous voyez l'ironie :les tabliers blancs constituent un rouage essentiel de l'économie, mais on touche à rien. D'ailleurs, Heberth soulignait, sourire en coin, qu'une grève d'une seule journée paralyserait le pays entier. La FENATRAHOB espère donc pouvoir corriger cette situation grâce à la nouvelle constitution adoptée depuis peu par le gouvernement d'Evo Morales.

Cependant, la priorité demeure l'éducation des membres et le recrutement. L'action de personnes comme Zenobia est cruciale. Comme le soulignait Lise, ses patrons se sont montrés très sensible à la cause de la Fédération et ont appuyés Zenobia dans son action syndicale. Elle est maintenant à temps plein à la Fédération. Le soutien d'organisations comme Développement et Paix est essentiel au maintien et la la croissance d'organisations comme la FENATRAHOB. Ce soutien doit être matériel, mais il doit surtout être moral et « vocal ». Ce qui fait souvent la force des ces organismes, c'est que nous leur procurons des yeux, des oreilles et une voix en dehors de leurs frontières. Ceci leur donne un poids et une légitimité difficile, voire impossible, à obtenir au sein de leur propre pays.

Richard

Des femmes de service inspirantes

Au terme d’une première journée, La Paz m’apparaît comme une ville étonnante, un mélange de colonialisme espagnol, de nationalisme, de traditions Incas, de cultures indigènes et de multiculturalisme. Une ville tout à fait fascinante et bien plus agréable que je ne l’imaginais. Toutefois, je ne l’ai pas vraiment visitée et j’aurais sans doute besoin de plusieurs jours pour le faire.

Un après-midi avec la FENATRAHOB
(Fédération nationale des travailleuses domestiques de Bolivie)

Dans une petite ruelle, derrière une porte anonyme cadenassée, nous avons été reçus par 4 personnes de la FENATRAHOB. La fédération nationale de travailleuses domestiques regroupe les syndicats de plusieurs villes de Bolivie. Il y avait là 3 travailleuses devenues intervenantes de l’organisme ainsi qu’Heberth, un éducateur qui donne de la formation aux membres.

Ce dernier nous a décrit l’association, son histoire, son fonctionnement, ses membres. La sensibilité qu’il manifeste à l’égard des travailleuses m’a impressionnée. En racontant l’histoire d’une femme victime d’abus sexuels, il avait les larmes aux yeux. « C’est très dur, très dur » nous a-t-il répété à plusieurs reprises. Et pourtant, la situation s’est déjà améliorée. Il y a la Loi 2450 qui les concerne spécifiquement, 12 000 membres répartis dans 17 syndicats et même une journée nationale annuelle qui leur est consacrée.

Les témoignages des 3 travailleuses présentes ont clairement démontré l’efficacité de la FENATRAHOB. Félipa peut maintenant regarder son employeur dans les yeux et exiger le respect de ses droits. Zenobia de son côté a eu le bonheur d’avoir un employeur ouvert et compréhensif (oui, il y en a). C’est en prenant connaissance des situations vécues par d’autres travailleuses qu’elle a décidé de s’engager. Maintenant, elle accompagne ses consœurs dans les démarches judiciaires pour faire respecter leurs droits. En effet, la Loi 2450 n’est pas encore appliquée par les services de santé. La FENATRAHOB compte sur la nouvelle constitution pour faire des gains à ce sujet. Quant à Marina, que nous avons brièvement entendue, elle s’exprimait avec une autorité remarquable.

La réalité actuelle des travailleuses domestiques :
elles sont plus de 137 000 en Bolivie;
1 travailleuse sur 10 a un salaire qui couvre seulement ses besoins de base;
dans la majorité des cas, elles doivent renoncer à leur travail lorsqu’elles décident de former une famille;
en moyenne, elles travaillent 9 heures/ jour et plus de 50 heures/semaine;
les jeunes filles sont embauchées dès l'âge de 14 ans et souvent à 9 ans;
elles n’ont pas accès à une assurance médicale ni à une rente de retraite;
elles sont souvent victimes de discrimination en raison de leur origine, leur langue ou leur tenue vestimentaire.

Ce qu’elles réclament :
le droit à une formation générale et technique;
l’application de l’article 24 de la Loi 2450 afin d’avoir accès aux services médicaux;
le droit à la retraite;
le respect des horaires de travail, des journées de congé et des vacances payées;
la reconnaissance de leurs compétences.

Comme enseignante spécialisée dans l’intégration au marché du travail, la situation des travailleuses domestiques de la Bolivie me touche énormément. Je suis très impressionnée par le travail qu’elles ont accompli jusqu’ici. J’ai également confiance qu’avec des femmes comme Félipa, Zénobia et Marina, elles finissent par obtenir la dignité et le respect qu’elles réclament pour leur métier. De mon côté, je serai fière de parler d'elles aux gens du Québec.

Lise

Quand l’autonomie remplace la violence

Une deuxième journée à La Paz nous a permis de rencontrer les gens du CEPROSI ( Centre de promotion et de santé intégrale). Ici, on se préoccupe particulièrement de la santé des femmes et de la violence dont elles sont victimes. Les chiffres à ce propos sont effarants. La très grande majorité des femmes de Bolivie subiraient la violence de la part de leur entourage. Trop souvent, elles considèrent cette situation comme normale. Il y a donc un important travail de conscientisation à effectuer et pour cela, il faut arriver à rejoindre les femmes là où elles sont, dans des quartiers très démunis. C’est justement ce que fait magnifiquement le CEPROSI.

Des centres de service conviviaux

Ils ont commencé par un quartier particulièrement difficile, il y a 20 ans. Ils y ont installé un centre et par la suite se sont intéressés à d'autres secteurs du département de La Paz. Il existe maintenant 13 centres éparpillés dans les quartiers pauvres de La Paz et El Alto.

Nous avons eu le privilège de visiter deux de ces centres. Dans le premier, nous avons trouvé une clinique de santé médicale et d'assistance psychologique, une garderie, un refuge pour les femmes et leurs enfants ainsi qu’un centre de thérapie pour individus, groupes ou familles. Tout cela, dans un même édifice plutôt restreint, divisé en 5 étages et construit à flanc de montagne. Attention à la marche...

Dans le deuxième, nous avons échangé avec des femmes qui le fréquentent. Lorsqu’elles parlent de ce qui les motive, le désir de rencontrer d’autres femmes et de partager leurs difficultés revient souvent. Elles apprécient également les formations en artisanat, et celles sur la violence ou sur leurs droits. Chaque centre a un conseil d’administration élu par les membres et elles travaillent en concertation avec le milieu: les autorités municipales , la police, les services de santé etc. Ils  utilisent d'ailleurs une expression « caminando juntos » qui rend bien l'esprit qui les anime.

L'importance de D&P pour les partenaires

Toute la journée, on nous a répété combien l’appui de D&P est précieux. D&P a été le premier organisme à reconnaître le travail du CEPROSI et même si les montants versés ne sont pas si importants, ils constituent un apport très utile. Comme groupe, nous avons bénéficié de l'estime dont D&P est l'objet. En effet, lors d'une deuxième journée de rencontre, les dirigeants ont organisé une fête interculturelle où nous étions les invités d'honneur. Nous avons eu droit à des danses traditionnelles, des cadeaux, un buffet. On nous a même permis d'essayer les vêtements traditionnels qui nous fascinaient tant: chapeau melon, jupes à plis, châles.

Ces deux journées m'ont à nouveau démontré l'importance de nos gestes d'appui et de solidarité. Tous les organismes ont manifesté le souhait de garder contact et j'ose espérer que nous ne les décevrons pas.

Lise

mercredi 27 janvier 2010

HUANUNI ET ORURO

L’Altiplano, comme une courte pointe



Au Québec, cette tradition artisanale du grand drap qui recouvre les lits vient en partie de nos relations avec les Amérindiens tout comme la ceinture fléchée et la tuque; évidemment, le tout assaisonné des traditions écossaises et irlandaises en matière de tissus. Le tissus fléché était pour les Amérindiens la manière de signer conventions et traités entre peuples, entre nations. Les premières ceintures fléchées de nos ancêtres eurent donc valeur d’ententes signées. L’Altiplano, aussi loin que l’on puisse remonter fut ainsi socialement organisé. Le grand symbole en est le Wiphala,   grande banière carrée divisée comme un damier. Sans nous étendre ici disons qu’on y retrouve les couleurs de l’arc-en-ciel disposées de façon équilibrée et harmonieuse. La structure carrée en damier symbolise l’organisation non hiérarchique des peuples andins alors qu’en général les drapeaux du monde sont rectangulaires et les bandes qui les composent réfèrent à une conception hiérarchique et plus ou moins inégalitaire du monde.



La ville de Oruro est le centre nerveux de cette culture qui atteint son apogée lors du grand Carnaval où pendant des jours des troupes folkloriques de toute la Bolivie viendront présenter la chorégraphie qu’ils auront préparée au cours des mois précédents. Ici le Carnaval a une dimension spirituelle et religieuse. Les traditions millénaires se marient avec la dévotion à la Virgen de Socavon, patronne des mineurs. À notre arrivée, le samedi soir, la place publique devant le sanctuaire est bondée. Il s’agit d’une foire familiale hebdomadaire qui a lieu de la Toussaint jusqu’au début du Carême. De plus, c’est les vacances d’été ici en janvier! Nous sommes hébergés dans les dortoirs attenants au sanctuaire géré par la communauté des Servites de Marie. Maria Louisa et son garçon Arturo âgé de 8 ans s’occuperont de nous et de tout.



Contexte du travail de notre partenaire, le CAEP




Le Centro de Apoyo a la Educacion Popular est situé à Huanuni, ville minière de 40,000 habitants à une heure de route de Oruro. Nous avons pu pénétrer pour quelques heures au coeur de cette culture aujourd’hui plus que jamais confrontée au grand défi de la mondialisation, du développement humain intégral et respectueux de l’environnement dans un milieu où l’extrême pauvreté est très répandue. À cause de l’exploitation minière, la grande région de Oruro a été déclarée zone environnementale sinistrée en novembre 2009. La rivière qui traverse Huanuni est un dépotoir et un égoût à ciel ouvert....



Ici, les gens semblent heureux d’avoir survécu encore un jour, d’avoir pu manger ou travailler. Le travail est dur, même avec des techniques modernes de travail dans la mine que nous avons eu le privilège de visiter. Cette visite nous a menés à 3 kilomètres au coeur de la montagne. L’espérance de vie des mineurs ne dépasse guère les 50 ans, mais les mineurs Boliviens sont extrêmement fiers de leur métier surtout qu’aujourd’hui la richesse générée par la production est redistribuée en grande partie dans les programmes nationaux d’éducation et de santé. Sur un grand crucifix, je vois le Christ crucifié portant le casque des mineurs....

Nous sommes aussi allés dans la campagne. À 5 kilomètres, un petit hameau avec une école d’agriculture. On peut y apprendre une technique simple de culture en serre et d’autres techniques biologiques pour améliorer l’alimentation et la production locale qui se fait jusqu’à plus de 4,500mètres d’altitude Les travaux réalisés ici par les étudiants des dernières années nous impressionnent. Quelques-uns ont pu poursuivre leurs études jusqu’à devenir agronomes ou techniciens.

Ce qui désolent au premier regard, c’est la grande quantité de sacs de plastique et de bouteilles qui jonchent les champs et le rebord de la route et la rivière. Le ramassage des ordures à Huanuni et les alentours est aléatoire, la collecte sélective est encore une lubie pour les riches et les politiciens municipaux ne parviennent pas à s’entendre sur la création d’un site d’enfouissement régional.



Le rôle clé du CAEP

Traditionnellement, campesinos et mineurs syndiqués ont été en conflit. Le CAEP a été un médiateur de premier plan qui a su tirer les marrons du feu. Il a acquis le respect de tous ici. C’est ainsi que nous comprenons le grand privilège que nous a accordé l’ingénieur en chef de la mine de Huanuni en nous faisant visiter la mine. J’ai senti que que lui aussi rêve d’une vie meilleure pour les ouvriers, la ville et toute la Bolivie et qu’il compte localement sur le CAEP pour permettre aux nouvelles générations de relever eux-mêmes les défis communautaires et environnementaux auxquels la population est confrontée.

La paix et l’harmonie sociale ont beaucoup progressé ces dernières années et quelques chantiers de développement durable sont commencés. Les enfants ont accès à des ateliers de rattrapage scolaire, l’édifice abrite la seule bibliothèque de la ville. Il y a aussi une salle d’informatique. Beaucoup de femmes vivent des situations difficiles et elles trouvent de l’aide et de l’amitié au centre. Le CAEP, c’est aussi une radio communautaire. L’animateur des nouvelles du midi a profité de notre passage à Huanuni pour interviewer quelques membres du groupe. La journée s’est terminée par une séance avec toute l’équipe du centre. Un immense merci à Sr Maria Theresa Peral, directrice, pour tout le soin apporté à la planification de tous les détails de notre visite..


C’est à José que revient la dernière phrase. Voici ce qu’il a spontanément dit sur les ondes de Radio Horizontes (traduction libre):« Face à un avenir sombre et apparemment sans issue, le CAEP est comme cette équipe de perforateurs qui creuse de nouvelles galeries d’espérance et de joie de vivre au coeur d’une réalité humaine et environnementale très dure».



Fernand






vendredi 22 janvier 2010

....une pause pour Haïti.....La Bolivie a en outre envoyé 200 casques bleus avec des ressources de premières nécessités. Ici aussi la solidarité se manifeste.

samedi 16 janvier 2010

Nos rencontres avec Federation de trabahadores y trabahadoras de Cochabamba (FTTFC)


Rencontre avec Oscar Oliveira
Nous avons été reçus dans le bureau d’Oscar situé dans un édifice ayant une histoire chargée. Autour du même quadrilatère, on retrouve 3 autres édifices d’importance. Ainsi, les administrations nationales, municipales, religieuses et de justice sociale se font face autour du même parc. L’édifice où nous nous trouvons a déjà été occupé par l’armée qui l’a utilisé pour interroger et torturer des prisonniers. Lorsqu’ils l’ont abandonné, on y a retrouvé des murs couverts de sang et des trous indiquant la place des anneaux de contention.



Des rencontres plus heureuses se sont tenues dans ce même lieu. Ainsi, une rencontre avec Che Guévara et d’autres plus récentes avec Évo Morales. Dans la grande salle, on trouve une affiche intitulée « Les règles du jeu ». En la lisant, plusieurs d’entre nous se sont dits que ces règles seraient très utiles dans bien des rencontres de D&P.
Concernant l’histoire du FTTFC, je retiens le leadership qu’il a exercé dans la guerre de l’eau. Dans les formations qu’il offre aux travailleurs mais également à toute la population, le FTTFC se concentre principalement sur la lutte à la peur qui empêche trop souvent les personnes d’affirmer et de revendiquer leurs droits.



Visites industrielles et rencontre avec des représentants syndicaux
Fabrication de vêtements raffinés pour dames. Les ateliers Asarti.
La première entreprise visitée semble entretenir une relation de collaboration avec le syndicat. Les leaders syndicaux qui nous accompagnaient ont participé à la visite. Sur les murs, on trouve une multitude d’affiches syndicales. Les travailleurs semblent confortables dans leur travail même s’ils n’ont que 15 minutes de pause pour une journée de 8 heures de travail. Il semble également qu’il s’agisse d’un type de gestion participative et que le patron encourage les travailleurs à participer aux formations de l’École du 1er mai. Les femmes travaillent 7 heures règlementaires au lieu de 8.
Manaco, une division de Bata Canada
Cette grosse fabrique de chaussures que nous avons visitée a une relation plus distante avec le syndicat. Ils ont tout de même accepté d’accueillir un groupe introduit par celui-ci. Après la visite, nous avons rencontré les représentants syndicaux de l’entreprise. Leurs principales préoccupations se situent au niveau de la sécurité et du respect des lois pas seulement pour eux mais aussi pour toutes les personnes qui travaillent en Bolivie.
Rencontre avec un comité de l’eau

Pour la première fois depuis notre arrivée, nous sommes sortis de la ville pour nous diriger vers les quartiers plus en hauteur et plus démunis. Pendant la saison des pluies plusieurs maisons s’affaissent faute de bonnes fondations ou de drains suffisants. Ici, pas d’asphalte, pas d’électricité et peu d’eau. Les gens paient très cher pour s’approvisionner une fois par semaine. Et cette eau n’est pas potable. Le comité a recommandé aux habitants de se procurer un gros réservoir plus sécuritaire que les barils qu’ils utilisent pour garder leur eau. Mais ce réservoir coûte l’équivalent de deux mois de travail ,ce que peu de gens peuvent se permettre.

La ville s’est occupée de faire des bordures de rues et a indiqué aux gens du quartier que les budgets disponibles étaient écoulés pour 10 ans. Mais ils ont bien l’intention de revenir à la charge et d’envahir le conseil municipal pour améliorer leurs conditions de vie.







La Escuela de Agua (L'École de l'Eau)




Nous voici partis pour une banlieue de Cochabamba du nom de Cliza. À 5 km de cette municipalité se trouve un petit village où la Escuela de Agua est en construction. Nos guides nous expliquent qu’ici les gens ont le souci de travailler en accord avec la nature pour que celle-ci leur permette de subvenir à leurs besoins. Ainsi, ils sont à l’écoute de la température, de la terre, des eaux, de la végétation et des personnes.


Le bâtiment qui abritera la Escuela de Agua est fait de briques d’« adobe ». Nous avons vu comment ce matériau est fabriqué avec de la glaise, de la paille et de l’eau. Les briques d’adobe ne causent aucun tort à l’environnement et sont en accord avec la majorité des constructions environnantes.

La Escuela de Agua sera un lieu de rencontres intergénérationnelles, intercommunautaires et international. Il s’y fera des échanges sur les expériences et les méthodes utilisées dans la gestion de l’eau. La première rencontre internationale doit se tenir en avril.
Juste à côté de l'école, nous avons vu le puits du village qui subvient aux besoins domestiques et d’irrigation de cette communauté de 1300 personnes. Le puits est géré par un comité qui a préséance sur les syndicats de propriétaires car l’eau est un bien collectif.













Enfin, nous avons eu le bonheur de visiter ce que j’appellerai une buvette de chicha, tenue par une famille qui la fabrique et la vend. Nous avons constaté qu’il y en a plusieurs dans ce petit village. La chicha est une boisson traditionnelle à base de maìs et elle est très prisée en Bolivie. On la trouve avec ou sans alcool. Lors de notre visite, nous avons été accueillis par les enfants de la famille. La deuxième des aînées m’a paru particulièrement délurée. Tous les enfants nous observaient avec beaucoup d’intérêt et de respect. Lorsque José a payé la chich à la jeune fille, il a ajouté un pourboire et lui a demandé ce qu’elle en ferait. Spontanément, elle a répondu qu’elle l’utiliserait pour l’école. Une future leader, peut-être…

 Lise
Cochabamba

Un Aperçu
La ville de l’éternel printemps. Du relief ici, il y en a à profusion. Cochabamba est comme un joyaux de nature serti dans une vaste plaine semi tropicale de forme ovale entourée de montagnes majestueuses. Ici les trottoirs sont très propres, souvent de design originaux. Ça donne le goût de marcher, ce que quatre d’entre nous ont fait dès le premier soir. Heureusement parce que les problèmes intestinaux ont affecté plus ou moins sérieusement certains d’entre nous dont notre marcheuse Jennifer. Après un 24 heures de repos obligé, elle était toute fière d’avoir pu marcher les 20 mètres du corridor de l’hôtel!

Notre partenaire
Pendant que les jeunes d’ici sont encore en vacances d’été, nous nous allons à l’école.
Celle de la Fédération des travailleurs et travaiIleuses d’usine de Cochabamba (FTTFC). Une organisation née en 1952 et dont l’histoire constitue une véritable épopée de la quête de la dignité humaine, de la conquête des droits civils comme l’accès à l’eau potable pour tous. Ici je découvre une organisation syndicale totalement transparente et ouverte sur la société cochabambina, bolivienne, jusqu’aux extrémité de la terre...«sin frontieras» comme me rappelle Eleina, adjointe du directeur du FTTFC Oscar Oliveira et animatrice responsable de La Escuela Primero de Mayo. Comme chez Développement et Paix, le tout part d’une option préférentielle pour les plus pauvres.

Grâce à Oscar Oliveira et son équipe, nous sommes allés de découvertes en découvertes sur le terrain, la réalité quotidienne des groupes, communautés, usines petite et grande associés à l’école. Cette école est un lieu d’échanges interpersonnels et de partage d’expériences. La dynamique de l’école est horizontale. Il y a des responsabilités à partager, des tâches à effectuer, des défis à relever, mais aucune hiérarchie à gravir. Tous sont au service les uns des autres et sont appelés à élargir leur réseau d’engagement. Avec très peu de ressources financières et beaucoup de personnes qui vivent au jour le jour dans l’incertitude du lendemain, il est facile d’imaginer le défi de réunir les gens pour de la formation. La devise de l’école est: «L’école où chacun apprend à ne plus avoir peur». Quelle belle réponse à l’appel de Jean-Paul II nous invitant à ne plus avoir peur.

On réussit assez bien à mobiliser la population autour d’enjeux fondamentaux voire vitaux. L’évènement déclencheur de cette nouvelle mobilisation pour la vie prend sa source dans la grande crise de l’eau qu’a vécue la Bolivie en 2000 quand la gestion et la distribution de l’eau potable furent confiées à une entreprise multinationale privée. Les conséquences furent désastreuses pour tout le monde bien nantis et sans-abris! Oscar Oliviera a réussi à réunir toute la population autour d’un même vision: l’eau ne se vend pas, c’est un bien commun auquel tous et toutes doivent avoir accès et la gestion doit en être publique, transparente et sans but lucratif. Le gouvernement, après avoir tenté de réprimer violemment cette opposition,( il y eut des morts de civils hommes, femmes et enfants manifestant pacifiquement et sans arme), s’est rendu à l’évidence et a reculé. Après dix ans, le travail pour assurer la distribution et l’approvisionnement en eau potable à tous les citoyens est loin d’être achevé. La Bolivie est un pays très pauvre rappelons-le qui n’a pas les moyens d’emprunter autant qu’il le voudrait pour financer des infrastructures de base comme chez-nous...

Ce qui est en marche
Oscar nous dit que la clé du succès est dans l’action et d’abord au niveau local, lui qui est aussi porte-parole pour la «Coordinadora del Agua» pour toute l’ Amérique du Sud sait garder les pieds sur terre (je n’ai pas pu vérifier s’il pouvait aussi marcher sur les eaux). Le grand défi est d’aller vers les gens, entrer en contact avec eux, mériter leur confiance en les accompagnant dans leur réalité socio-économique, environnementale et historique, finalement élaborer avec eux un plan d’action pour la justice sociale, le développement durable, la protection de la terre et de l’eau et demeurer avec eux! N’avons-nous pas exactement le même défi à relever partout sur terre, riches et pauvres? J’avoue que les organisations sociales comme le FTTFC et son école qu’appuie Développement et Paix ont quelques longueurs d’avance sur nous au Québec....Comme quoi la véritable expertise ne s’achète pas, elle se partage et n’est pas fonction de la richesse personnelle de chacun chacune.

Les rencontres que nous avons faites et la qualité des échanges en toute simplicité, le plus souvent sur le terrain, dans le champ, l’usine ou autour des tables des petits restaurants où nous prenions ensemble l’almuerzo vers 13h. sont encore en fermentation dans mon esprit. La chicha doit en effet fermenter trois jours complets avant de pouvoir être consommée et la saveur se prolonge très longtemps en bouche. Le processus d’apprentissage fonctionne un peu de cette manière d’après mon expérience toute récente.

Le quartier industriel

Les ateliers de l’entreprise ASARTI, fabriquant de vêtements pour dames.
L’entreprise est totalement intégrée du design de mode à la distribution. La laine d’Alpaga en provenance de l’Altiplano constitue la principale matière première. L’usine de transformation de la laine se trouve au Pérou, pays voisin. L’entreprise a souffert de la récente débâcle économique puisque ses produits sont de très haute qualité et ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Le patron a participé à des sessions de formation avec ses employé/es à l’école Primero de Mayo et ses procédés de gestion sont orientés vers la mise en place d’une forme d’autogestion demandant une grande implication des employé/es.

L’Usine Manaco, une division de Bata Canada.
Ici quelque 600 employé/es produisent des chaussures sur trois quart de travail. Oscar Oliveira Forondo y a travaillé environ 30 ans avant de céder sa place et est toujours membre du syndicat. Avant la grande vague de segmentation de la production industrielle amorcée en 1985, l’usine comptait plus de mille syndiqués.

Aujourd’hui la production a beaucoup augmenté et la majorité des emplois liés à la production se retrouvent dans de petits ateliers périphériques non syndiqués où les conditions de travail peuvent être pitoyables. Le défi des travailleurs de la Manaco, une usine qui répond parfaitement aux normes internationales, est d’aider leurs frères et soeurs des autres petits ateliers à retrouver un minimum de droits, de contrecarrer avec des moyens pacifiques et légaux les effets de plus en plus néfastes du néo-libéralisme à outrance. Bien évidemment les dirigeants de ces ateliers les reçoivent avec «une brique et un fanal» comme on dit chez-nous. Dans les années soixante le FTTFC a compté plus de 80 affiliés. Au tournant des années 2000, il en restait une dizaine. Aujourd’hui la fédération en compte 52 et les travailleurs et travailleuses reprennent goût à la vie associative qui est aussi faite de sports, d’activités familiales, de joie de vivre. L’école est aussi un centre communautaire ouvert à toute la population.

La Zona Sur

Le Comité de l’eau de El Alto Cochabamba
Pour cette rencontre-terrain, notre guide se nomme Marcello. Le responsable du comité, el senor Quispe, vient à notre rencontre sur la rue qui, malgré qu’une averse ait rendu le sol un peu vaseux, est le seul endroit communautaire convenable et assez grand disponible à ce moment....Ici chaque famille a maintenant droit à trois barils d’eau potable par semaine avec branchement sur l’aqueduc municipal. Comme dans les pays du nord, les égoûts sont installées dans la même tranchée dans ce petit barrio en montagne. La différence, c’est qu’en Bolivie, ce sont les habitants du lieu qui ont dû creuser la tranchée et parfois vaincre le roc à la dynamite dans des conditions périlleuses. En moyenne donc, 3 barils de 45 gallons par semaine par famille (5 à 7 personnes) à un coût minimal abordable. Ce qui manque doit être acheté au prix fort des livreurs d’eau (agaterros) avec aucune garantie de qualité...Les comités locaux de El Alto Cochabamba et du barrio voisin se rencontraient le soir après notre visite. Croisant Marcello au souper le lendemain, il m’a confié que cette visite a été à l’ordre du jour... et que les gens ont été très touchés par notre simplicité le fait que nous ayons marché dans leurs rues et leurs pas sans nous préoccuper de l’état de nos chaussures et bas de pantalons. À quand le dernier passage d’étrangers ici? En tout cas, ils ont été très contents d’apprendre qu’il existait autre chose que des «gringos» en Amérique du Nord, qu’on parlait français au Québec et que nous baragouinions un peu d’espagnol. Mais surtout qu’on se préoccupait d’eux...plutôt que d’aller à la plage. Ils nous ont transmis leurs meilleurs souhaits de santé intestinale pour le reste de notre voyage.
Le comité de l’eau de Flores Rancho, comté de Cliza.
Au Québec, nous appelons ça Saint-Fond-Des-Creux un tel village. Rancho Flores compte autour de 1000 habitants. C’est un village essentiellement agricole où les pratiques sans pesticides existent encore. Les produits sont bons et savoureux. Ils n’ont pas inventé l’écologie et le développement durable, mais ils le vivent au quotidien. Premier village Cochabambino à se doter collectivement de puits artésiens et de l’aqueduc autant dans le village que dans les fermes! À leurs frais.

Pas surprenant qu’Oscar, reconnaissant leur dynamisme communautaire, leur ait offert de financer le démarrage d’une «université internationale populaire en gestion environnementale de la terre et de l’eau»
L’expertise est ici comme nous l’explique deux membres de ce comité, Fredy et MariaEugénia. Le bâtiment comporte une base en béton, les murs sont faits de blocs d’adobe, le matériau le mieux adapté aux conditions climatiques. Parlons-en pendant qu’on y est. Ici les changements climatiques sont très perceptibles. Les paysans sont confrontés à la nécessité de s’adapter continuellement. L’école en construction et achevée d’ici avril permettra le partage d’expériences et le développement de solutions nouvelles. Les ancien/nes apportant leurs précieuses et profondes connaissances du milieu, les plus jeunes, les connaissances techniques modernes permettant des ajustement rapides. Les premiers argents sont venus de la Fondation Abril, créé par Oscar Oliveira grâce au prix international qu’il a reçu pour son engagement bénévole comme porte-parole de la Coordinadora del Agua de Sudamerica. Quant à l’avenir, en Bolivie faire confiance à la Pachamama ou Divine Providence est une coutume très bien conservée! La première rencontre des délégués nationaux de la coodinadora aura lieu début avril 2010 au moment de l’inauguration officielle en présence de tout le village. Encore une fois, les visiteurs devront marcher à pied un kilomètre de chemin de terre à voie unique....Souhaitons-leur du beau temps!

Nous avons été reçus partout comme chez le vieux cousin, la grand maman et la qualité de la nourriture surpassait celle des restaurants pour touristes. Malgré des sujets très sérieux, nous avons partagé avec beaucoup de plaisir sur nos réalités culturelles et sociales, l’histoire de l’arrivée des européens en Amérique, la condition des immigrants des pays pauvres dans le monde, la musique....nos valeurs profondes sin frontieras en dépit des différences.

Fernand

jeudi 14 janvier 2010

Premières impressions

Fernand a fait un compte-rendu très intéressant. Quant à moi, je vais plutôt vous faire part de mes impressions un peu plus personnelles, ce qui complétera le message de Fernand.

La douane les doigts dans le nez

J'ai dit à certains que la douane (américaine) pouvait être (très) emmerdante. Eh bien, combien me trompais-je. Tant la douane canadienne qu'américaine s'est montrée aimable et même souriante! Les contrôles et les fouilles (non, pas corporelles ;-) ) se sont faits de façon correctes et on prenant le temps de nous expliquer certaines choses. Ça commence bien.

Santa Cruz de la Sierra – les tropiques et la hantise de la sécurité

Santa Cruz de la Sierra est la capitale du département de Santa Cruz, située dans la région amazonienne de la Bolivie ( 437 mètres au-dessus du niveau de la mer). Ville plus ancienne que Québec, mais un peu moins organisée... L'architecture y est, disons, éclectique sinon variée. Les taudis côtoient des maisons bourgeoises de belle prestance et les commerces sont éparpillés un peu n'importe où et n'importe comment.


Le coeur historique comprend de très beaux bâtiments d'inspiration coloniale et la cathédrale est tout à fait impressionnante.


Comme beaucoup de villes au sud du rio Grande, donc des États-Unis, les propriétés sont entourées de murs d'enceinte couverts de barbelés, de verre concassé ou de pointes de métal. Des portes de bois ou de métal donnent accès aux résidences. La sécurité est une grande préoccupation et mêmes les commerces d'une certaine importance ont des gardiens privés qui assurent le bon ordre. De façon générale, ces gardiens sont affables et serviables.

La population (les Cruzenos) est accueillante et n'hésite pas à répondre à nos questions quand on a besoin d'un renseignement.

La température y est chaude (30C le jour et 24C la nuit en moyenne) et humide avec des pluies fréquentes bien que notre séjour fut béni par le beau temps.

Finalement, l'hôtel était bien, sans plus. Propre, personnel très gentil mais petit déjeuner indigent : café instant – beurk – lait chaud, jus, « grill cheese » mince et fade, petits pains, faux beurre et confiture. Trois matins d'affilée... Et pourtant, on a trouvée du bon café à bien des endroits et la nourriture est en général abondante. Mais je vous reviens à ce sujet.

Cochabamba la belle

Située à 2558 m au-dessus du niveau de la mer, Cochabamba est une belles ville, beaucoup plus propre que Santa Cruz. Son architecture y est aussi plus homogène mais y retrouve aussi ces fameux murs. Cependant, nous y avons vu pour la première fois depuis notre séjour des mendiants, pas comme à Berri-Sainte-Catherine, mais quand même.


Cochabamba est une ville en cuvette, le fond étant plus riche que les côtes qui sont beaucoup plus pauvres. D'ailleurs, nous nous y sommes rendus jeudi après-midi et c'est tout un spectacle.

Les Cochabmabinos (c'est beau comme gentilé : enfant de Cochabamba) sont aussi très aimables et très affables. Tout comme à Santa Cruz, nous y avons été reçus en grande.

Le temps y est plus tempéré qu'à Santa Cruz quoique notre première journée se soit passée sous les 30C. Mais mercredi, mère Nature a corrigé le tir et il faisait chaud mais pas trop humide. Quand jeudi, temps frais et pluies intermittentes. Le coupe-vent était le bienvenu.

L'hôtel Regina n'a pas grand chose à voir avez le Dona Alicia : 6 étages, chambres plus modernes avec balcon, près de la belle avenue Prado. En passant, on retrouve sur le terre-plein de l'avenue des érables importés du Canada il y a 40 ans. Ils perdent leurs feuilles un mois par un et c'est reparti pour une nouvelle saison. J'ai cru voir qu'il ne s'agissant pas d'érables à sucre.

Manger en Bolivie

La Bolivie est le paradis des mangeurs de viande! Le boeuf et le poulet sont omniprésents. Pas de porc et un peu de poisson d'eau douce (excellent en passant). Peu de légumes, la patate règne en maître (à l'eau avec la pelure ou frite) avec le riz (servis ensemble), le maïs (en grain ou en épi), le haricot occasionnel et la sempiternelle salade « mexicaine » (tomates fraiches en tranche ou en dés accompagnées d'oignon émincé) et du petit plat de piment fort émincé. Quand je dis fort (et certains savent que ça ne me rebute pas), c'est fort. Il y en a un qui m'a même donné le hoquet quelques minutes.

La soupe accompagne le repas et celles que j'ai goûtées se sont avérées bien bonnes.

On y boit du Coke et du Sprite aux litres, la bière est aussi très bonne et chaque ville proclame que la sienne est la meilleure. Il y a la chicha, une boisson faite de maïs qui peut être alcoolisée ou non, et la limonade, toutes deux bien rafraichissantes.

Pour en revenir à la viande. Il faudra s'y faire car on nous a dit que plus on se déplaçait vers les Andes, plus les légumes se faisaient rares. Alors vive la patate et la viande!

Les partenaires de Développement et Paix

Nous avons passé des moments passionnants avec nos partenaires de ALAS (Santa Cruz) et de la FTTFC (Fédération de travailleurs et travailleuses du secteur manufacturier – Cochabamba. Nous y avons eu des discussions très ouvertes concertant leurs dossiers (droits civils, des autochtones, des travailleurs) et ces organisations accompagnent ou parrainent d'autres organisations ou activités liées à d'autres problématiques (éducation populaire, accès à l'eau potable, etc.)

Il y aurait beaucoup à dire de ces rencontres. Nous en parlerons un peu plus, mais vous pouvez aussi consulter le site de Développement et Paix qui nous consacre une section. (Il peut y avoir un délai de publication étant donnée l'urgence en Haïti)

Richard Lapointe

Lise sur Santa Cruz

Le séjour à Santa Cruz a été éprouvant en raison de la chaleur humide et des moustiques. Ajoutez à cela, la fatigue de 24 heures de déplacements, le stress de l’arrivée dans un pays inconnu, un problème de médicaments et vous aurez un aperçu de la tension qui habitait la piètre voyageuse que je suis.

Je me sens toutefois privilégiée de l’accueil que nous avons reçu des gens de ALAS. J’apprécie en particulier d’avoir été témoin de la réunion avec les représentants d’un petit peuple indigène de Santa Cruz (Ayoreo). Le lien de confiance que Hugo Salvatierra a su établir avec eux est vraiment remarquable.



La nouvelle constitution que s’est donnée la Bolivie devrait donner du pouvoir à toutes les couches de population qu’ils soient riches, pauvres, indigènes, métis ou femmes. En ce qui concerne ces dernières, leur souci de leur donner du pouvoir ne doit pas avoir son pareil dans bien des pays.

La ville de Cochabamba me plaît énormément avec sa verdure et les montagnes qui l’entourent de toutes parts. J’ai hâte de la connaître un peu plus.

Si je devais résumer mes impressions de la Bolivie jusqu’à maintenant, je dirais que j’ai la sensation d’être en présence d’un peuple en marche.

Lise Gauvreau

Bolivia, diez de enero 2,010

SANTA CRUZ DE LA SIERRA


UN APERÇU GÉNÉRAL

Santa Cruz est la capitale de l’Oriente, de la «Bolivie camba» qualificatif des gens implantés de longue date dans la région. La ville est en plein boom économique, les chantiers y sont partout marqués par l’esprit d’entreprise et la débrouillardise et avouons-le une certaine anarchie dans le développement. La ville s’étend dans une plaine sans relief comme une toile d’araignée avec des arrondissements concentriques (anillos) délimités par de grands boulevards urbains périphériques; le tout traversé par de larges avenues partant du centre historique vers les banlieues au-delà du quartero anillo. Sans guide, c’est un labyrinthe où l’étranger peut vite se perdre. Des minibus (micros) et des movils (taxis) parcourent la ville sans arrêt et dans tous les sens.


À part la végétation tropicale, ma vision idyllique s’arrête là. Au fil des heures, c’est plutôt la segmentation sociale qui devient évidente. Il y a bien sûr l’extrême écart de richesses entre les uns et les autres, mais ici s’ajoute le fait que dans chaque anillo les barrios deviennent souvent des ghettos riches et bien pourvus ou des ilôts pauvres et quasi démunis de tout service public.


DES OBSERVATIONS QUI QUESTIONNENT

Déambuler sur les trottoirs m’a impressionné: aucune harmonie ou uniformité dans les dimensions, les matériaux et le design d’une devanture de maison ou de commerce à l’autre. Il en manque des bouts ici et là. Qu’est-ce qui manque à cette ville et ses citoyens pour que les trottoirs fassent partie du «bien commun» pour que la vie piétonnière soit plus agréable? Chacun, sur la planète peut se poser cette question sur bien des sujets d’intérêt public...


Dans le Gran Chaco environnant, on retrouve aussi des formes de particularismes, cette fois communautaires, d’un peuple indigène à l’autre. La colonisation occidentale semble vouer tous ceux-ci soit à l’assimilation, soit à l’extinction suite à la répression, la non reconnaissance et l’appauvrissement extrême et pour finir à la mort. Choisir d’oublier ou retrouver ses racines historiques malgré la douleur?



Passons tout de suite aux bonnes nouvelles, grâce à la présence d’un partenaire de Développement et Paix en Bolivie, le Alas, qui est apparu dans ce paysage dramatique comme une aile d’ange, une douceur quasi palpable qui sait pénétrer au coeur de la souffrance des personnes et des communautés pour en préserver la vie d’abord et ensuite pour en favoriser l’épanouissement vers un mieux-être et un mieux vivre. Alas est un bel acronyme ( asesoria legal y assistencia social). Des ailes, ils en ont besoin pour vaincre l’isolement des communautés.



QUELQUES RENCONTRES PRIVILÉGIÉES

Et ils nous ont guidé de façon quasi magique. Nous nous sommes laissés conduire par Hugo (un vrai «camba», un camba d’exception cependant) et son équipe engagée à fond dans le changement social et la lutte pacifique contre toutes les formes de violence. Dès la première rencontre dans leur hangar-bureau très dépouillé, la délégation d’une communauté venue des limites de l’amazonie bolivienne se présente pour un atelier de formation en vue d’assurer la tenue des prochaines élections régionales et municipales dans les meilleures conditions possibles et le respect de tous. Deux jours de bus que ces gens se sont tapés pour une formation d’une ou deux heures dans la grande ville! Il faut y croire à la démocratie participative... Parfois, c’est le Alas qui se rend sur place.


Nous avons aussi eu le grand privilège de rendre visite aux permanences des organisations de groupes indigènes de l’Oriente à Santa Cruz. Nous avons assisté à une réunion de la CANOB. Alors là, on sait aller à l’essentiel de manière méthodique, simple et disciplinée. Moi qui agit régulièrement à titre de secrétaire dans mon milieu social, je m’assoie près du secrétaire...Je jette un oeil: procès-verbal de la dernière réunion...questions, arguments présentés, libellé du consensus ou report si la réflexion est inachevée. Le tout en une page. À la fin de cette réunion d’une heure, les notes du secrétaire entrent encore dans une page et l’écriture est aérée! Cours de simplicité...


Le Alas a entre autres défis celui de faire travailler ensemble ces divers groupes pour qu’ils définissent eux-mêmes ce qui constitue leur «bien commun» tout en respectant les différences. Ces gens ont été dénigrés à l’extrême, réduits à l’esclavage, mutilés ou tués et ils le furent encore dans les dernières années. Mais grâce au Alas, ils ont su prouver leur valeur humaine au gouvernement bolivien et récupérer la propriété communautaire de plus d’un million d’hectares...je termine avec cette anecdote que nous a raconté Hugo:


Le Alas accompagne une délégation des peuples en questions à une rencontre officielle avec le président (nous sommes avant 2005) et quelques ministres pour présenter leur revendications de façon très détaillée, inventaires de la faune et de la flore et cartes à l’appui. De son côté, l’état dispose normalement des meilleurs documents produits par les universitaires et des cartes de l’armée, réputées les meilleures Le président se rend vite compte que les cartes indigènes sont beaucoup plus précises et même à l’avantage de la Bolivie concernant plusieurs contentieux territoriaux avec le Brésil... Il regarde le général d’un oeil inquisiteur. Celui-ci se contente de répondre : «Évidemment...senor presidente»


En quittant ce partenaire après 3 journées très intenses, que dire de la valeur de nos liens financiers et désormais fraternels avec ces hommes et ces femmes. Je réponds comme le général...Évidemment!

Hasta luego amigos y amigos


Fernand