samedi 16 janvier 2010

Cochabamba

Un Aperçu
La ville de l’éternel printemps. Du relief ici, il y en a à profusion. Cochabamba est comme un joyaux de nature serti dans une vaste plaine semi tropicale de forme ovale entourée de montagnes majestueuses. Ici les trottoirs sont très propres, souvent de design originaux. Ça donne le goût de marcher, ce que quatre d’entre nous ont fait dès le premier soir. Heureusement parce que les problèmes intestinaux ont affecté plus ou moins sérieusement certains d’entre nous dont notre marcheuse Jennifer. Après un 24 heures de repos obligé, elle était toute fière d’avoir pu marcher les 20 mètres du corridor de l’hôtel!

Notre partenaire
Pendant que les jeunes d’ici sont encore en vacances d’été, nous nous allons à l’école.
Celle de la Fédération des travailleurs et travaiIleuses d’usine de Cochabamba (FTTFC). Une organisation née en 1952 et dont l’histoire constitue une véritable épopée de la quête de la dignité humaine, de la conquête des droits civils comme l’accès à l’eau potable pour tous. Ici je découvre une organisation syndicale totalement transparente et ouverte sur la société cochabambina, bolivienne, jusqu’aux extrémité de la terre...«sin frontieras» comme me rappelle Eleina, adjointe du directeur du FTTFC Oscar Oliveira et animatrice responsable de La Escuela Primero de Mayo. Comme chez Développement et Paix, le tout part d’une option préférentielle pour les plus pauvres.

Grâce à Oscar Oliveira et son équipe, nous sommes allés de découvertes en découvertes sur le terrain, la réalité quotidienne des groupes, communautés, usines petite et grande associés à l’école. Cette école est un lieu d’échanges interpersonnels et de partage d’expériences. La dynamique de l’école est horizontale. Il y a des responsabilités à partager, des tâches à effectuer, des défis à relever, mais aucune hiérarchie à gravir. Tous sont au service les uns des autres et sont appelés à élargir leur réseau d’engagement. Avec très peu de ressources financières et beaucoup de personnes qui vivent au jour le jour dans l’incertitude du lendemain, il est facile d’imaginer le défi de réunir les gens pour de la formation. La devise de l’école est: «L’école où chacun apprend à ne plus avoir peur». Quelle belle réponse à l’appel de Jean-Paul II nous invitant à ne plus avoir peur.

On réussit assez bien à mobiliser la population autour d’enjeux fondamentaux voire vitaux. L’évènement déclencheur de cette nouvelle mobilisation pour la vie prend sa source dans la grande crise de l’eau qu’a vécue la Bolivie en 2000 quand la gestion et la distribution de l’eau potable furent confiées à une entreprise multinationale privée. Les conséquences furent désastreuses pour tout le monde bien nantis et sans-abris! Oscar Oliviera a réussi à réunir toute la population autour d’un même vision: l’eau ne se vend pas, c’est un bien commun auquel tous et toutes doivent avoir accès et la gestion doit en être publique, transparente et sans but lucratif. Le gouvernement, après avoir tenté de réprimer violemment cette opposition,( il y eut des morts de civils hommes, femmes et enfants manifestant pacifiquement et sans arme), s’est rendu à l’évidence et a reculé. Après dix ans, le travail pour assurer la distribution et l’approvisionnement en eau potable à tous les citoyens est loin d’être achevé. La Bolivie est un pays très pauvre rappelons-le qui n’a pas les moyens d’emprunter autant qu’il le voudrait pour financer des infrastructures de base comme chez-nous...

Ce qui est en marche
Oscar nous dit que la clé du succès est dans l’action et d’abord au niveau local, lui qui est aussi porte-parole pour la «Coordinadora del Agua» pour toute l’ Amérique du Sud sait garder les pieds sur terre (je n’ai pas pu vérifier s’il pouvait aussi marcher sur les eaux). Le grand défi est d’aller vers les gens, entrer en contact avec eux, mériter leur confiance en les accompagnant dans leur réalité socio-économique, environnementale et historique, finalement élaborer avec eux un plan d’action pour la justice sociale, le développement durable, la protection de la terre et de l’eau et demeurer avec eux! N’avons-nous pas exactement le même défi à relever partout sur terre, riches et pauvres? J’avoue que les organisations sociales comme le FTTFC et son école qu’appuie Développement et Paix ont quelques longueurs d’avance sur nous au Québec....Comme quoi la véritable expertise ne s’achète pas, elle se partage et n’est pas fonction de la richesse personnelle de chacun chacune.

Les rencontres que nous avons faites et la qualité des échanges en toute simplicité, le plus souvent sur le terrain, dans le champ, l’usine ou autour des tables des petits restaurants où nous prenions ensemble l’almuerzo vers 13h. sont encore en fermentation dans mon esprit. La chicha doit en effet fermenter trois jours complets avant de pouvoir être consommée et la saveur se prolonge très longtemps en bouche. Le processus d’apprentissage fonctionne un peu de cette manière d’après mon expérience toute récente.

Le quartier industriel

Les ateliers de l’entreprise ASARTI, fabriquant de vêtements pour dames.
L’entreprise est totalement intégrée du design de mode à la distribution. La laine d’Alpaga en provenance de l’Altiplano constitue la principale matière première. L’usine de transformation de la laine se trouve au Pérou, pays voisin. L’entreprise a souffert de la récente débâcle économique puisque ses produits sont de très haute qualité et ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Le patron a participé à des sessions de formation avec ses employé/es à l’école Primero de Mayo et ses procédés de gestion sont orientés vers la mise en place d’une forme d’autogestion demandant une grande implication des employé/es.

L’Usine Manaco, une division de Bata Canada.
Ici quelque 600 employé/es produisent des chaussures sur trois quart de travail. Oscar Oliveira Forondo y a travaillé environ 30 ans avant de céder sa place et est toujours membre du syndicat. Avant la grande vague de segmentation de la production industrielle amorcée en 1985, l’usine comptait plus de mille syndiqués.

Aujourd’hui la production a beaucoup augmenté et la majorité des emplois liés à la production se retrouvent dans de petits ateliers périphériques non syndiqués où les conditions de travail peuvent être pitoyables. Le défi des travailleurs de la Manaco, une usine qui répond parfaitement aux normes internationales, est d’aider leurs frères et soeurs des autres petits ateliers à retrouver un minimum de droits, de contrecarrer avec des moyens pacifiques et légaux les effets de plus en plus néfastes du néo-libéralisme à outrance. Bien évidemment les dirigeants de ces ateliers les reçoivent avec «une brique et un fanal» comme on dit chez-nous. Dans les années soixante le FTTFC a compté plus de 80 affiliés. Au tournant des années 2000, il en restait une dizaine. Aujourd’hui la fédération en compte 52 et les travailleurs et travailleuses reprennent goût à la vie associative qui est aussi faite de sports, d’activités familiales, de joie de vivre. L’école est aussi un centre communautaire ouvert à toute la population.

La Zona Sur

Le Comité de l’eau de El Alto Cochabamba
Pour cette rencontre-terrain, notre guide se nomme Marcello. Le responsable du comité, el senor Quispe, vient à notre rencontre sur la rue qui, malgré qu’une averse ait rendu le sol un peu vaseux, est le seul endroit communautaire convenable et assez grand disponible à ce moment....Ici chaque famille a maintenant droit à trois barils d’eau potable par semaine avec branchement sur l’aqueduc municipal. Comme dans les pays du nord, les égoûts sont installées dans la même tranchée dans ce petit barrio en montagne. La différence, c’est qu’en Bolivie, ce sont les habitants du lieu qui ont dû creuser la tranchée et parfois vaincre le roc à la dynamite dans des conditions périlleuses. En moyenne donc, 3 barils de 45 gallons par semaine par famille (5 à 7 personnes) à un coût minimal abordable. Ce qui manque doit être acheté au prix fort des livreurs d’eau (agaterros) avec aucune garantie de qualité...Les comités locaux de El Alto Cochabamba et du barrio voisin se rencontraient le soir après notre visite. Croisant Marcello au souper le lendemain, il m’a confié que cette visite a été à l’ordre du jour... et que les gens ont été très touchés par notre simplicité le fait que nous ayons marché dans leurs rues et leurs pas sans nous préoccuper de l’état de nos chaussures et bas de pantalons. À quand le dernier passage d’étrangers ici? En tout cas, ils ont été très contents d’apprendre qu’il existait autre chose que des «gringos» en Amérique du Nord, qu’on parlait français au Québec et que nous baragouinions un peu d’espagnol. Mais surtout qu’on se préoccupait d’eux...plutôt que d’aller à la plage. Ils nous ont transmis leurs meilleurs souhaits de santé intestinale pour le reste de notre voyage.
Le comité de l’eau de Flores Rancho, comté de Cliza.
Au Québec, nous appelons ça Saint-Fond-Des-Creux un tel village. Rancho Flores compte autour de 1000 habitants. C’est un village essentiellement agricole où les pratiques sans pesticides existent encore. Les produits sont bons et savoureux. Ils n’ont pas inventé l’écologie et le développement durable, mais ils le vivent au quotidien. Premier village Cochabambino à se doter collectivement de puits artésiens et de l’aqueduc autant dans le village que dans les fermes! À leurs frais.

Pas surprenant qu’Oscar, reconnaissant leur dynamisme communautaire, leur ait offert de financer le démarrage d’une «université internationale populaire en gestion environnementale de la terre et de l’eau»
L’expertise est ici comme nous l’explique deux membres de ce comité, Fredy et MariaEugénia. Le bâtiment comporte une base en béton, les murs sont faits de blocs d’adobe, le matériau le mieux adapté aux conditions climatiques. Parlons-en pendant qu’on y est. Ici les changements climatiques sont très perceptibles. Les paysans sont confrontés à la nécessité de s’adapter continuellement. L’école en construction et achevée d’ici avril permettra le partage d’expériences et le développement de solutions nouvelles. Les ancien/nes apportant leurs précieuses et profondes connaissances du milieu, les plus jeunes, les connaissances techniques modernes permettant des ajustement rapides. Les premiers argents sont venus de la Fondation Abril, créé par Oscar Oliveira grâce au prix international qu’il a reçu pour son engagement bénévole comme porte-parole de la Coordinadora del Agua de Sudamerica. Quant à l’avenir, en Bolivie faire confiance à la Pachamama ou Divine Providence est une coutume très bien conservée! La première rencontre des délégués nationaux de la coodinadora aura lieu début avril 2010 au moment de l’inauguration officielle en présence de tout le village. Encore une fois, les visiteurs devront marcher à pied un kilomètre de chemin de terre à voie unique....Souhaitons-leur du beau temps!

Nous avons été reçus partout comme chez le vieux cousin, la grand maman et la qualité de la nourriture surpassait celle des restaurants pour touristes. Malgré des sujets très sérieux, nous avons partagé avec beaucoup de plaisir sur nos réalités culturelles et sociales, l’histoire de l’arrivée des européens en Amérique, la condition des immigrants des pays pauvres dans le monde, la musique....nos valeurs profondes sin frontieras en dépit des différences.

Fernand

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