Justice sociale et justice environnementale
Un tel projet d'immersion m'a amené si loin, entraînant une grande dépense en énergies fossiles (à nous 8, nous rendre en Bolivie pour trois semaines a représenté 15 fois ce que la terre peut recycler de CO2 en une année pour une personne afin de contrebalancer l'effet de serre accentué qui provoque actuellement des changements climatiques accélérés)...C'était ma plus grande réticence à participer. Je ne doutais pas des retombées bénéfiques sur le plan du développement humain, mais aujourd'hui écologie humaine et écologie de la nature sont une seule et même réalité conceptuelle et l'économie (le monde abstrait des nombres) n'est qu'un percolat important mais secondaire. Comment compenser pour ce voyage afin que la planète n'en subisse pas le contre-coup?
Depuis le protocole de Kyoto, il est possible de calculer rapidement et assez précisément notre empreinte écologique, en particulier en regard de nos déplacements, sources humaines importantes de production de gaz à effet de serre sur lesquelles nos comportements personnels peuvent avoir un très grand impact. Souvenons-nous de la campagne de réduction canadienne qui visait une tonne par an par personne...la crise financière a relégué cette amorce concertée et populaire d'action au second si ce n'est au dernier rang des préoccupations des gouvernements et des gens en général!
Évidemment, les premiers pas de la "bourse des unités carbone" ont mis en lumière bien des faiblesses et défaillances dans les projets de développement durable (généralement dans les pays pauvres du sud très désavantagés économiquement par la valeur relative de leurs monnaies). Les processus de validations et de suivis se raffinent et s'améliorent afin de mieux mesurer la valeur de l'impact réel des sommes investies. Les ONGs et les projets qu'elles supportent ont un rôle clé dans ce processus de recherche de "justice énergétique et écologique planétaire". Le calcul de l'empreinte écologique de notre voyage nous donne la somme d'environ 28,000kgs de CO2, pour l'essentiel dû aux déplacements en avion de quelques 15,000kms (les calculateurs disponibles sur le web arrivent tous à des résultats du même ordre). En Bolivie même nous avons bénéficié d'un niveau de vie beaucoup plus sobre qu'ici au Québec, étant hors des circuits touristiques haut de gamme.
Se mobiliser...pas seulement en voyageant
L'idée de Kyoto est de développer des moyens de réduire nos empreintes et même de compenser pour nos excès sans attendre par l'achat de crédits carbone dont les fonds sont réinvestis dans le développement durable. Le choix d'un courtier ou même d'un projet peut être fastidieux et incertain. Simplicité. Les 8 participant/e/s sont membres d'une ONG, Développement et Paix, qui a des partenaires en Bolivie et 5 d'entre eux sont nos hôtes pour ce projet d'immersion. Leur mission s'inscrit dans une vision du développement humain et communautaire qui prend en compte de plus en plus systématiquement les questions de justice environnementale et de gestion durable des ressources naturelles. Intégrité morale et intégralité du Vivir Bien, justice sociale et écologie, gestion publique et gestion des ressources naturelles sont un seul et même projet humain, social, écologique. La Pachamama est notre premier partenaire de vie...
Au delà des apparences
Évidemment, D&P n'a pas les certifications internationales reconnues quant à l'impact des projets qu'elle appuie sur la réduction des gaz à effet de serre! Au départ, il semble plus facile de mesurer l'impact d'un projet technique valorisant l'hydroélectricité ou l'énergie solaire.
Cependant, nous savons déjà que le renforcement de la société civile via l'éducation populaire est le point de départ pour faire surgir à la base des solutions alternatives efficaces et bien intégrées à chaque milieu. Nos petits cadeaux en guise de remerciements à nos hôtes sont le gage de notre confiance dans les actions menées par eux en Bolivie. Nous ne pouvons les chiffrer, non plus que l'efficacité à court terme de la compensation que le groupe effectue ainsi, mais à l'évidence ce voyage a montré comment la Bolive est confrontée au défi de nouer des relations nouvelles et équitables entre sociétés humaines et Terre Mère localement et globalement et comment de petites ongs peuvent contribuer à façonner un avenir réellement meilleur à partir des gens, souvent les plus pauvres.
Le président Morales a convoqué le monde à donner suite à Copenhague arguant que tout échec d'accord n'est pas une option pour la Bolivie. Il y a urgence en la demeure. Cochabamba accueillera autour de 50,000 personnes (10,000 visiteurs) à partir du 18 avril 2010, dont quelques chefs d'état. Les pauvres prennent le leadership alors que les parvenus du Nord refusent obstinément de considérer les dangers imminents du champ d'icebergs dans lequel notre Titanic socio-politico-économique a pénétré. Penserions-nous qu'ils auront tous fondu avant la collision....? L'immersion nous a confirmé que l'essentiel est sous la surface.....très beau mais parfois effrayant, nécessitant une adaptation pas du tout évidente.
Mieux encore. La société civile bolivienne est déjà en mobilisation et nos partenaires y sont impliqués. Juste avant ce sommet officiel en avril 2010, Cochabamba abritera la IIIe Feria Internacional del Agua soulignant en particulier le 10ième anniversaire de la Guerra del Agua.
Beau préambule venu de la base.
Maintenant que le groupe est revenu, que signifiera le terme "mobilisation" ici chez-nous pour lui et son réseau social, pour la vie quotidienne de chacun des membres, pour l'appartenance à Développent et Paix comme mouvement de solidarité et de coopération internationale?
BON JOUR DE LA TERRE... 22 avril 2010